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Chroniques
Hans Krása
Brundibár| Le Ronchon
Comme Ervín Schulhoff, Gideon Klein, Viktor Ullmann ou encore Pavel Haas, le destin d’Hans Krása a croisé l'Histoire des peuples dans ce qu'elle a de moins fraternel. Né en 1899 d'un père tchèque et d'une mère juive allemande, initié au piano ainsi qu'au violon, le jeune musicien prend ses premiers cours de composition chez Alexander von Zemlinsky, durant les années de lycée. Étudiant au Conservatoire de Berlin, il se passionne pour Mahler, Schönberg et Vítězslav Novák – créateur postromantique tchèque, élève d’Antonín Dvořák (1870-1949) –, avant d'apprécier Stravinsky et les impressionnistes français, au début des années vingt. Reprenant la route pour mieux connaître ces derniers, il étudie avec Albert Roussel. Il se fait connaître comme un compositeur prometteur à Paris, Zürich ou encore Boston.
En 1938, de retour à Prague depuis dix ans, Krása décide de participer au concours organisé par le Ministère de l'Éducation Publique, et propose Brundibár (Le Ronchon). Ce qui restera son œuvre la plus célèbre est un opéra pour enfant, sur un livret de son ami Adolf Hoffmeister. Les mesures antisémites étant déjà en marche, elle est retirée du concours. Malgré cela, le compositeur commence des répétitions avec les garçons de l'orphelinat juif. Les déportations successives les mèneront au camp de Terezín, où Krása – arrêté le 10 août 1942 – travaille à une nouvelle version de l'opéra. Le 16 octobre 1944, un ultime voyage mènera ce pilier de l'Entarte Musik au camp d'Auschwitz.
Mélange de musique savante et populaire, Brundibár est une dénonciation joyeuse de l'oppression nazie, qui sera jouée une cinquantaine de fois avant la disparition de son créateur. C'est l'histoire de Pepíček et Aninka qui cherchent un peu d'argent pour offrir du lait à leur mère malade. Ils décident de chanter dans la rue, mais le joueur d'orgue de Barbarie, l'affreux Brundibár, ne veut pas de concurrence et cherche à leur nuire. Avec l'aide d'un chat, d'un chien et d'un oiseau doués de parole, les deux enfants feront triompher leur droit. La présente version, jouée à Stuttgart en 1997 et restituée sur disque avec beaucoup de présence, propose un narrateur tout en douceur (Andreas Jungwirth) et les chœurs Collegium Iuvenum ainsi que Mädchenkantorei St. Eberhard, énergiques et expressifs.
Pour les germanophones, un deuxième disque plonge l'auditeur dans une émission de radio de 1998 consacrée à l'époque de la création, alliant archives sonores et témoignages de survivants.
LB